Page blanche

Exercice d’admiration ou tribune de colère, la critique déclenche un phénomène étonnant : l’exacerbation. Dès que je commence à penser un film, ma première impression vole en éclats. Il ne s’agit pas de nier, de censurer ma subjectivité, disons plutôt de l’ouvrir, pour regarder ce qu’il y a à l’intérieur. Ma première impression, c’est une bulle transparente. Lorsqu’elle éclate, il m’arrive de la trouver vide ; un filet d’air et puis rien du tout. Une bulle de silence. Avoir aimé ou non le film n’a rien à y voir, c’est juste que c’est tout. Un moment de cinéma isolé, qui ne déborde pas sur ma vie, ne change pas ma vision du monde, peut-être même pas mon humeur ; quelque part un petit trait de souvenir.

Mais c’est assez rare. Le plus souvent, en s’ouvrant, la bulle éparpille mille cristaux – ou mille éclats de verre. Rassembler les fragments, les examiner d’un peu plus près, sceptique, circonspecte : après tout, ils ne sont encore qu’émanations de film. Et c’est ainsi que j’en reviens justement à lui. Pas à pas, un retour déstructuré, lacunaire, titubant. A présent je veux voir le film tel qu’il ne se montre pas. Sans le son, entendre ce qu’il dit ; sans l’image, regarder ce qu’il représente ; en désordre, déceler sa hiérarchie. C’est presque une métamorphose (une vision du monde ?) Le processus peut se révéler éprouvant. Récemment, le hasard des éditions m’a confrontée à plusieurs films et documents de guerre. S’agréger à de tels sujets déteint forcément. Par l’écriture, je creuse autant que je peux, je circule à l’intérieur du film. Bien sûr, j’ai de nombreux points d’appui, des références, des discussions. Il n’empêche, ces traversées modifient mon rapport au cinéma. De nouveaux sentiments se développent, différents de ceux que soulèvent le visionnement, beaucoup plus forts. L’exacerbation, disais-je.

Ensuite, mon texte n’a jamais d’autre légitimité que celle qui m’engage personnellement dans tout ce que j’écris. C’est pourquoi la discussion devient nécessaire, qui est aussi la raison d’être de la Rue des Douradores, partager, donner mon avis pour en recevoir. Surtout ne restez pas silencieux ! N’hésitez pas à me contredire, m’envoyer vos remarques, vos commentaires. Il faut que tout cela devienne vivant, palpable, bruyant. La Rue des Douradores aime la circulation des idées!

Photo : Affiche du film de Cronenberg, The naked lunch

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