Attendre ces films avec impatience, lire sur eux tout ce qui me tombe sous la main, adorer cette récurrence dans l’emploi des acteurs (celui-ci en particulier), les regarder avec délectation, mais toujours, ensuite, critiquer, critiquer, critiquer. Pourquoi ? Suis-je, à ma façon, une fille coupée en deux ? Non, je ne le crois pas. Simplement, les films de Christophe Honoré posent des questions qui me touchent, sans jamais y répondre comme je voudrais.
A l’exclusion de presque tout autre sujet, il ne parle que d’amour. Peut-on aimer encore après la mort ? après une rupture qui y ressemble ? peut-on aimer toujours ? C’est, pour lui, l’essentiel, il ne fait pas mine de s’intéresser à autre chose. Bien sûr, il n’est ni Bergman ni Woody Allen : ses interrogations, même légèrement littéraires, n’ont rien de philosophique et, si ludiques soient ses mises en scène, il est davantage joueur qu’humoriste. Pourtant, j’aime son univers. Les livres y traînent partout, sur les lits défaits, les coins de table, sur les lèvres – des citations, des clins d’œil… La Belle Personne, son dernier film, est une libre adaptation de La Princesse de Clèves. Est-ce fidèle, juste, subtilement compris ? Non – peut-être n’est-ce qu’un très mauvais film, une dégradation de la pensée de Madame de La Fayette, mais… cette fois-ci je tais mes critiques, préférant garder intact le plaisir de cette rare vision, celle d’une jeune fille, différente dans son siècle, qui ne soufre d’autre amour que l’idéal qu’elle porte en elle. J’aime qu’aux yeux du monde, son caractère particulier inspire la déférence; cette distinction trouble du qualificatif belle accolé au mot personne, dont l’ambiguïté sexuelle valorise peut-être un autre personnage; ce monde, enfin, où l’on meurt encore d’amour… pour les sentiments, c’est une considération si rare, même au cinéma, que toute maladresse, toute naïveté, doivent être excusées. On tombe amoureux sur un air d’opéra; les textes anciens servent aux aveux; la parole prend une valeur sacrée; on rêve, pour se préserver de l’irréparable – dans des rues actuelles et non dans la campagne anglaise (que j’aime aussi) – une passion extraordinaire éclot dans un contexte familier, sans recourir à quelque événement grandiose ni rien rajouter: la réalité est transfigurée par l’expression de ce qu’elle a de meilleur.
« C’est pourtant pour cet homme, que j’ai cru si différent du reste des hommes que je me trouve comme les autres femmes, étant si éloignée de leur ressembler« .
La Princesse de Clèves, Madame de La Fayette
Autres adaptations au cinéma :
– La Princesse de Clèves, Jean Delannoy
– La Fidélité, Andrzej Zulawski
– La Lettre, Manoel de Oliveira
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