Reviens-moi

Regarder un film pour l’émotion qu’il fait naître en moi,  pour le plaisir irrégulier de ressentir une tristesse imaginaire et me laisser hanter par les images qu’il dépose dans ma mémoire, de visages et de lumières,  les laisser voiler un peu plus mon regard, atténuer l’illusoire insignifiance des choses.

Mais aussi, si je cherche à retracer, dans mon souvenir, le cheminement de ce récit, comme la main, devant un dessin nettement ourlé croit pouvoir sans difficulté en reproduire les contours, mais hésite puis échoue dès le premier détail que l’oeil ne saisit pas immédiatement, puisqu’il contribue à l’illusion de sa simplicité, bientôt le fil que je croyais tenir m’échappe, et j’en saisis un autre qui me perd un peu plus de sorte que, très vite, l’intrigue semble avoir disparu, défaite, décousue en une trame où je ne la reconnais plus. Car sous une étoffe classique, Atonement, peut-être parce que son origine littéraire même effacée par le cinéma subsiste encore dans son épaisseur, est moins une histoire d’amour que sa thématisation. Loin d’atténuer la force émotionnelle du film, sa structure complexe, en  soulignant que l’amour se nourrit moins d’événements que de rêves, se met purement en harmonie avec son sujet. Bien sûr, ce n’est qu’après avoir vu le film en son entier, jusqu’au dénouement qui éclaire le sens du titre (en français : expiation), que l’on comprend que, dans une telle conjoncture, les erreurs humaines, accidentelles ou volontaires, peuvent encore, ironiquement, être réparées par ces deux forces antagonistes que sont la vie (le hasard) et l’imagination (l’écriture). Quant à ceux qui se persuadent que l’amour est entièrement contenu dans la réalité, et qu’il peut se lire chronologiquement, se soumettre   à la mécanique primitive de la psychologie, les mots qui scandent de nombreuses séquences du film Come back, come back to me, leur signifieront le contraire, parce que le message qu’ils transportent n’est ni littéral ni rationnel, et qu’il traverse le film dans toute sa longueur, comme une faille dans laquelle se précipite ce que l’on croit savoir, ce que l’on croit comprendre. Sans commencement et sans fin, l’amour est bien un Eternel retour, comme le pensait déjà Cocteau de Tristan et Iseult. Il y a de cela aussi, dans Atonement, lorsque la mer sépare les amants, et que l’un d’eux annule, par une simple phrase, tous les défauts, toutes les dérives, les injustices  – du temps : The story can resume.

Atonement, de Joe Wright, avec Keira Knightley et James McAvoy, d’après le roman d’Ian McEwan

A voir aussi : Pride And Prejudice, de Joe Wright, avec Keira Knightley, d’après Jane Austen

L’Eternel Retour de Jean Delannoy, d’après un scénario de Jean Cocteau

et un film d’un tout autre genre, et pourtant fort proche : The Jacket, de John Maybury, avec Keira Knightley…

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2 réflexions sur “Reviens-moi

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