Psy en série, entre néant et désir.

A de multiples niveaux, psychologie et cinéma sont en constante interférence. Disparate et suffisamment galvaudée,  cette flagrante affinité  se manifeste, entre autres,  dans la construction des personnages, le jeu des acteurs, les abécédaires  freudiens  sulfureux et infantiles, et surtout,  dans l’état comateux qui est celui du spectateur captif de la fiction, envoûté et vulnérable devant l’écran. N’étant pas moi-même une adepte du divan – en tout cas pas à cet effet – je n’ai pas d’attirance particulière pour l’étalage de tripes – expression empruntée au regretté Witkiewicz, lequel s’adonnait  toutefois à l’analyse avec autant de  hargne que de perversité. Par ailleurs, il fut un temps (en réalité pas si éloigné) où je regardais avec une triste assiduité des  séries comme Carnivale, les Sopranos, Six feet under, etc. Leur travail sur la durée me réconfortait, j’appréciais la compagnie de personnages inventés, leur familiarité factice, le mûrissement et le pourrissement d’êtres sans conséquence… Ces agréables substituts de société se sont achevés les uns après les autres et ceux qui leur ont succédés ne m’attiraient plus. Ensuite, j’ai pu me persuader qu’il y avait peut-être une vie après les séries, d’autres amis à se faire – dans les romans par exemple. Récemment j’y suis distraitement revenue, sans désir particulier mais avec une vague curiosité.  Il se trouve que la série In Treatment offre  un intrigant défi : bâtir une fiction  sur le seul face-à-face du psy et de son patient. Le format est donc le suivant : quatre patients au total, répartis sur quatre jours, la cinquième séance étant dévolue au thérapeute – l‘analyste analysé. Au début ça fonctionne bien. On découvre ce petit monde de la souffrance non-assumée, des cas d’école clairs et lisibles – la nymphomane, le militaire, l’ado et le couple en conflit. Comme de juste, le psy n’est pas le moins névrosé… Des fictions réduites au discours, sans diversion, sans découpage, voilà ce qui me captive: le langage comme support unique de l’image et de l’intrigue.  Malheureusement, dès la seconde semaine, la banalité des personnages et leurs émotions stéréotypées entraînent tout ce beau travail  dans une trivialité de roman-photo. Le psy déçoit très vite, en ce qu’il s’avère incapable de tenir ses patients à distance, et comme souvent dans les séries américaines, la plastique des acteurs leur ôte tout caractère. Tout cela tombe assez bas, finalement. On reste à la surface, pire, dans le conventionnel. L’espace mental que la thérapie pourrait déployer de mille façons, en profondeur ou en imagination, ressasse les clichés comme d’autres leurs angoisses. Pourtant, s’il est un élément qui surnage encore de ce magma psycho-affectif, c’est l’érotisme, que le verbe contient et enrobe de volupté, comme nulle image désormais ne peut plus le faire. Narrations explicites, sublimées par les mots, par la voix, hors-champ infernal pour le thérapeute,  qui se tortille comiquement sur son fauteuil pendant que sa splendide patiente lui expose en détails, avec une gourmandise manifeste, le récit de ses aventures et de son intimité sexuelle, non sans chercher à l’allumer, paupières mi-closes, savourant l’émoi visible de l’homme qui lui fait face. Preuve que l’érotisme est surtout une affaire d’imagination… C’est le triomphe du verbe créateur, brûlant aiguillon du désir, source des plus vives représentations mentales. Exceptionnelles, ces séquences ne suffisent pas à sauver la mascarade, et la platitude des situations est d’un ennui désolant.

In Treatment (En analyse), avec Gabriel Byrne – saison 1 – HBO

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