Shock Corridor- portrait de l’artiste en fou.

Shock Corridor ne fait pas mentir l’idée que l’asile est le catalyseur de folie qui parachève l’aliénation amorcée par la société. Une règle de trois : la passion cède à la fureur, la rage inverse la personnalité, l’homme devient son antithèse. Équation relativement courante, vérifiable jusqu’au miroir. J’aimerais prétendre avoir été bouleversée, et prélever de mon ventre un vocabulaire convainquant. Mais après avoir vu – et osé revoir – Inland Empire, je ne peux plus souscrire à une représentation aussi cloisonnée de la folie. L’homme sain peut à tout moment basculer dans la déraison, c’est ce que montre Shock Corridor – dialectique dérisoire que Lynch  épuise à chaque image. Dans Inland Empire la folie est illimitée – autant dire qu’elle  n’existe pas. Sens et non-sens se confondent, le reste n’est que proportion.  Inland Empire est un pur chef d’œuvre de réalisme.

Dans son domaine, certes plus restreint, Fuller réussit un film grandiose. Par l’intermédiaire de son personnage principal, journaliste ambitieux au physique interchangeable de jeune premier américain,  il investit plusieurs niveaux de discours. C’est évidemment un film policier, même si l’intrigue à cet égard se révèle assez molle, le journaliste infiltre l’asile pour résoudre un crime. Psychologique :  il choisit l’inceste comme déviance, et s’accuse de désirs  fétichistes vis-à-vis de sa soeur, rôle tenu devant les médecins par sa maîtresse, une strip-teaseuse très chic, sorte de  Marlène Dietrich avec un coeur et un cerveau. On ne sera pas surpris de voir le fantasme l’emporter sur la femme réelle dans la tête du pauvre homme…  Sociologique (et politique) : par le biais des autres patients sont abordées diverses thématiques, telles que traumatisme de guerre, racisme, recherche scientifique, communisme, etc.  Plus insidieusement se pose la question suivante: l’ambition n’est-elle pas déjà une forme de folie ? Mythologique : des hallucinations sidérantes de beauté convoquent des figures immémoriales  et apocalyptiques. Car au-delà de tout ce que j’ai décrit jusqu’à présent, Shock Corridor est un film d’une rare magnificence. Un noir et plan contrasté, des obliques et des diagonales expressionnistes, une construction complexe mais toujours lisible  : l’esthétique confine à la perfection. Ce petit texte, sachez-le, ne présente qu’un léger murmure en regard de tout ce qui s’écrit sur ce film.  Pour ma part, l’abondance me refroidit et me fait fuir, c’est pourquoi je ne parle généralement pas des œuvres suranalysées. Au terme de ces quelques lignes, si je devais poursuivre sur une quelconque lancée que ma lenteur d’écriture démentirait aussitôt, je discuterais avec plaisir de l’auteur, Samuel Fuller, personnalité remarquable, excessive, paradoxale, chaotique, démesurée. Mais là encore, il vaut mieux ne pas en souffler mot : Shock Corridor est sans doute aussi un auto-portrait.

Shock Corridor, de Samuel Fuller (1963)

Inland Empire, de David Lynch (2007)

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4 réflexions sur “Shock Corridor- portrait de l’artiste en fou.

  1. Mon score : 58% – contre moi ou contre Faulkner ? je mets ça sur le compte de la fatigue, quoique, le génie d’un style est souvent à la limite de la faute de grammaire. C’est drôle parce que justement, je viens de commencer Sanctuaire, qui est beaucoup plus conventionnel qu’Absalon Absalon – et de ce fait presque assommant (du moins là où j’en suis, à la page 50…)
    C’est aussi triste que de voir son blog traduit par Google ! Je suppose que ça t’arrive à toi aussi ! C’est assez marrant de se lire ainsi, avec des mots en français plantés là, intraduisibles par la machine, et la structure complètement idiote de la phrase!
    Pour discréditer Faulkner à mes yeux, il faudra trouver mieux…

  2. A celui-là j’obtiens un score indécent. Ce jeu pour intellos m’apprend que je suis apte à reconnaître des meubles de qualité mais non à distinguer une phrase de Faulkner. Il ne me reste plus qu’à changer de métier.

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