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« Je poserai une question. Elle prend appui sur ce mot : folie. En général, nous nous demandons, par l’entremise de praticiens expérimentés, si tel ou tel d’entre les hommes tombe sous la sentence que porte un tel mot. A la rigueur, nous maintenons ce mot en position interrogative : Hölderlin était fou, mais l’était-il ? Ou bien nous hésitons à le spécialiser, non seulement par doute scientifique, mais pour ne pas, en le précisant, l’immobiliser dans un savoir certain : même la schizophrénie, tout en évoquant la folie des extrêmes, l’écart qui par avance nous éloigne de nous en nous séparant de tout pouvoir d’identité, en dit toujours trop ou fait semblant d’en dire trop. La folie serait ainsi un mot en perpétuelle disconvenance avec lui-même et interrogatif de part en part, tel qu’il mettrait en question sa possibilité et, par lui, la possibilité du langage qui le comporterait, donc l’interrogation, elle aussi, en tant qu’elle appartient au jeu du langage. Dire : Hölderlin est fou, c’est dire : est-il fou ? Mais à partir de là, c’est rendre la folie à ce point étrangère à toute affirmation qu’elle ne saurait trouver un langage où s’affirmer sans mettre celui-ci sous la menace de la folie : le langage comme tel, déjà devenu fou. »
Maurice Blanchot, La Folie par excellence.
La nuit étoilée, Van Gogh (détail)