*attribuer à un être, à une entité ou à un objet une forme animale (autre qu’humaine) – therios = la bête sauvage
« À l’écart de la véritable intelligence transformiste, le commentaire animalier s’énonce comme si la vérité de l’humain était à lire dans le comportement animal, lui-même décrit avec les termes forgés pour décrire les comportements humains. On caractérise ainsi l’organisation d’une ruche, d’une fourmilière ou d’une termitière à l’aide des représentations propres aux organisations sociales humaines, afin de donner en retour une image des sociétés humaines qui les réduise au paradigme « naturel » issu de l’exemplarité qui s’attache à la fonctionnalité « parfaite » des « sociétés animales ». Une critique superficielle parlera encore d’anthropocentrisme alors que c’est de thériomorphisme qu’il s’agit à terme, puisque c’est l’image animalière qui contamine finalement la représentation de l’humain, naturalisant ainsi les castes, les privilèges, les hiérarchies intangibles, la cyclicité des tâches, la régulation du travail et de la production, les exclusions, les éliminations et les guerres.
Les exemples d’anthropomorphisme avec effet en retour, sur l’homme, de son langage exporté, foisonnent dans le cinéma animalier […] Le cinéma animalier est bête, et c’est en cela qu’il est intelligemment politique.
Dans La Descendance de l’Homme, Darwin parle surtout des animaux. Dans le cinéma animalier, on parle surtout de l’homme ».
Patrick Tort, « Darwin scénariste » dans L’Animal écran, Éditions du Centre Pompidou, Paris, 1996.
Chat, chien, chouette : pour illustrer ce texte par de sains contrexemples, les captures d’écran sont du Joli Mai de Chris Marker.
C’est étrange, krotchka, cette nuit je me suis endormie sur un livre de Marguerite Yourcenar « Quoi ? L’Eternité ». (quand le jeune garde-chasse vient chercher Marie pour lui montrer la troupe de sangliers qui traversent le bois, un matin d’hiver).
Je copie :
« Soudain, bien visibles à la lisière des bois où flotte encore du brouillard, on distingue les puissants et obtus quadrupèdes, préhistoriques dans la brume et dans la distance. Il y a du fantastique dans toute rencontre avec la nature sauvage. Un sanglier vu de près, fouillant de son groin à la recherche de racines, n’étonnerait pas et ne ferait peut-être qu’amuser, à condition de se savoir prudemment hors de la portée de ses défenses. Toute une harde de puissants animaux migrant d’une partie de la forêt à l’autre semble au contraire appartenir à un autre temps du monde, où l’homme en présence des bêtes pressent encore l’existence des dieux… »
Suit la mort de Marie. Mais cette horde m’a hantée puissamment pendant le temps d’endormissement…
Superbe tableau ! Avez-vous vu « Les Bêtes du sud sauvage » de Benh Zeitlin ? Si ce n’est pas le cas, je vous le conseille vivement. Traduite en images, on y retrouve à peu de choses près cette même idée que chez Marguerite Yourcenar, d’une animalité tellurique, originelle, oubliée, dont seuls nos rêves auraient gardé l’empreinte…
Oh, merci. Je retiens !
vous ne le regretterez pas, je crois.