« Et c’est vrai, la pensée ne disparaît pas quand la conscience s’est assoupie. Elle lui survit et persiste. Elle veille sur celui qui a cru assez en elle pour lui confier le devenir compromis de sa vie. En retrait du regard (quand celui-ci bascule sous les paupières), la pensée demeure et, avec elle, tout ce que retient sa pure apparence calme. Au moment d’éteindre la lumière, il s’agit de se promettre encore qu’il n’existera pas de forme d’oubli où puisse s’effacer la présence de qui l’on a vraiment aimé. « Je pense à toi toute la nuit » signifie : la nuit n’est rien de plus que l’un des moments de ma pensée où je te prends (ne crains rien) avec moi. Et si elle dit : « Je pense à toi toute la nuit », j’entends : Aie confiance, aie confiance : aucune nuit, jamais, n’aura raison de la pensée où tu vis avec moi. »
Philippe Forest, Toute la nuit
Très profonde pensée qui ouvre à l’inconscient submergeant les censures de la volonté.
Par curiosité j’ai lu ce roman bouleversant. Cette citation, alors, prend un sens particulier. Faire durer, au-delà de tout, le lien avec l’enfant disparue dans tant de souffrances. Quel drame !
Oui, la perte de son enfant est bien le sujet de ce roman déchirant et, par moments, si difficile à lire… Assez tardivement je découvre l’œuvre de Philippe Forest et j’en suis subjuguée. Ces paroles d’amour pour une petite fille défunte ont une portée universelle que leur auteur ne renie pas, qu’il affronte même en toute conscience de son acte, cherchant par son expérience inhumaine à penser cette chose inhumaine : le deuil par l’amour autant que l’inverse, l’amour par la perte. C’est ainsi que pour ma part je le reçois.