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Je rêve d’un amour pareil à la mer
Un enveloppement total
Et continu le corps rencontré
Saisi de partout porté et soutenu
Dans l’extase cependant que libre
Par la nage de se mouvoir
Loin des rivages connus
Et dans cet abîme descendre
M’enfoncer suivant le désir
D’une autre connaissance
Au frôlement d’une faune invisible
Je rêve de la mer
Étreinte absolue
Jusqu’à la dissolution
De la peau terrain originaire
Où le corps se différencie
De cela qui l’atteint
A l’acmé de la sensation
L’horizon chavire là-bas
Loin du littoral assermenté
Aux terres raisonnables
Je m’en vais jusqu’à la noyade
Voie seule
Indiscernable à l’accession
De cet au-delà qu’est l’amour
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Mazette ! C’est de vous ? Magnifique. (Je pense au Livre-poème de Pascal Quignard « Boutès » (éd. Galilée) :
« (…)Pourquoi la musique est-elle capable d’aller au fond de la douleur ? Car elle y gît.
Le chant qui se tient avant la langue articulée – simplement plonge, plonge comme Boutès plonge – dans le deuil de la Perdue. (…) »
Bonjour Christiane,
J’ai découvert récemment l’écriture de Pascal Quignard avec Vie secrète : une merveille.
Peut-on commenter un poème ? Doit-on avoir l’outrecuidance de mêler nos voix à sa lumière, à son vulnérable battement ? N’est-il pas mieux de le laisser être – en silence ? Je le crois, oui.
Ce poème est. Peu importe le reste. Il est – jaillissant d’un silence aimant.
Alors, puisque pour la première fois je vais oser me mêler à son silence, je m’apprête à faire pire. Vais dire que sa beauté (infinie) a cependant à mes yeux, à mon écoute, un défaut : le deuxième vers, « enveloppement total ». Je n’aime pas ce dernier mot, il trahit mon écoute. Non pas son sens (que je saisi et aime), non, ce mot-là, « total », tel qu’ici situé.
Voilà. J’aurais fait pire… mais c’était sincère. Je m’en excuse.