Le poème est le lieu de leur rencontre, à mi-chemin entre le monde matériel et la pensée, le concret et l’abstrait, le signe et le signifiant, le dedans, le dehors, le passé, le présent et l’avenir… S’ouvre un territoire d’échanges qui ne se réduit pas aux seuls mots prononcés. Les phrases dites à cet endroit désignent un lointain que les mots ne peuvent atteindre mais dont ils font entendre (par retentissement) l’existence.
> Allez, partons ! (« Sayônara » de Koji Fukada)
« Sa parole comme plainte. Ou son prolongement. Ayant bâti sa parole comme une ville morte. En terre étrangère. D’où elle n’attend, défaite et ruinée de ses gestes, que ce qui pousse entre les pierres.
Quelques degrés de pierre donnant accès. L’herbe. Avec le vent. Sans rien dire. L’herbe séchée depuis les premiers jours. La ville, devant, comme langue morte. Tracé en terre étrangère. Dans ses couleurs. L’herbe brûlée. De la cendre si le soleil.
Une ligne plus claire. Blanche, que déplace le vent. Rien qu’un changement de couleur quand tourne le vent. La ville. Devant. Où elle finit. Où son nom ne porte plus. Et le vent. Un mouvement de l’air au lieu des gestes. Une ville ou sa parole. »
Emmanuel Hocquard – AER, I
in Album d’images de la villa Harris (1978)
Vos mots m’ont renvoyé je ne sais pourquoi à ce recueil poétique tout entier traversé par la théorie des simulacres de Lucrèce. Je les poses ici, là où son ailleurs.
merci, F.