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Je marche
Bien aimée je marche
Dans l’illusion de tes chemins
Laissant à ton effet
De hauteur de surface
Le soin de me porter
Et celui de m’apprendre
Par-delà le dire des cartes
Les motifs insinuants
Les conscientes bifurcations
Ce tracé de sens
Qui secoue la canopée
Comme une grande chevelure
Dense inquiétude
Rivée à ce ciel secondaire
Foisonnant de rêves
Je marche
Dans ma propre absence
Devêtue d’un monde
Si peu nécessaire
Qu’aussitôt j’oublie
Tout ce qui me limite
Et cependant je m’élance
Foulée vive tu me ressens
Deux abîmes
Entre nous j’en vois davantage
Je ne sais te traversant
Qui est traversée
Des râles des soupirs quand
De mille lèvres contradictoires
Advient ce que tu me confies
J’écoute et soudain tu te tais
Veux-tu à ce point
Que s’invente
Le dehors de tes replis
Corps de terre
Corps d’argile je
Me conduis
Selon ton désir
C’est par la pensée que
Bien aimée je marche
En toi non en ce que tu es
Résonne
L’innombrable de l’esprit
Tu m’étreins sans
M’ouvrir aucun accès
Pourtant je te connais
Ivresse élémentaire seule démesure
À hauteur de ce qui ailleurs
Se dit excès
Titubant je marche
Entre tes dents j’ai de la fièvre
Bien aimée avale-moi
Ta chevelure fumante rousse et verte m’intoxique
De visions hors desquelles la fadeur domine
Et me désespère
Bien aimée je marche ne me laisse pas
Parenthèse te refermer
À la vérité c’est l’inverse
Captive de ce que
Tu défais
Je marche bien aimée
Je m’enfonce
Dans tes ornières dans
Tes ombrages tes terriers
À cet endroit certaine enfin
De ne pas me retrouver
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Voilà un Petit Poucet qui n’a besoin d’aucun caillou puisqu’il ne veut pas retrouver son chemin… Il s’enfonce parce qu’un appel le somme de se lancer dans cette forêt Où va-t-il, envoûté ? Qu’y a-t-il au fond de son désir de répondre à cet appel, oubliant le monde d’avant ?
Désir du désir séparé jusqu’au faîte de l’apnée. Une danse sur le corps moussu de la forêt qu’elle épouse en tremblant. Vertige de cette noire rousseur sous la paume de sa main… Un miel lent et lourd recouvre le poème.
Circé lettrée j’ai la faculté
D’extraire un double de toi
De t’installer dans mon cerveau
Là tu te perds tu rampes tu t’enfuis
Dans ma jungle peuples hostiles
Bêtes féroces moiteur climat
Changeant puisqu’en moi
Libre tu t’évanouis fauve en cage
Des doubles des clés des répliques j’en produis
A l’infini tous différents, inquiétants, toujours
Insatisfaisants dans mon laboratoire je calcule
Je cherche la formule
De la chair de son mystère
Le temps passe la vie se tient
A l’extérieur le monde demeure très loin.
Ma jungle c’est le dehors de ma forêt, son prolongement ; la forêt, indéniablement, calme.
Merci d’avoir exhumé ce bout d’un poème qui, avec le temps, a su conserver toute sa justesse et ma préférence.