– de cette abstraction une chose charnelle –

laissant la musique durcir l’air autour de moi tel un moule qui aurait dessiné en creux l’espace que j’occupais, espace vide de toute pensée où résonnaient seulement les notes gaies et rigoureuses d’un prélude joué au piano. Blottie à l’intérieur de cet espace creux, je vibrais, me déployais sans le moindre mouvement ; la musique s’entrelaçait à mon corps, en explorant les moindres possibilités pour les intensifier, avant d’en susciter de nouvelles ; en retour, le champ neutre que je formais offrait aux intervalles entre les notes la dimension nécessaire pour pleinement développer la folle richesse de leur vide sonore ; ainsi, ils traçaient mes limites tout en les annulant, et moi, je faisais de cette abstraction une chose charnelle, juteuse, vivante, gonflée de sève s’écoulant par la moindre fente

Jonathan Littell, Une vieille histoire.

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