Un trouble sans lendemain, une émotion réfléchie, dont nulle promesse ne découle, nulle attente, un désir à saisir – dans l’instant. Ensemble, ils ont la sagesse vive des jeunes gens, l’intuition triomphale, la capacité de sentir sans savoir, de comprendre sans connaître. Contre le temps ils ont l’intensité, contre la finitude ils n’ont rien. Dans leur jardin les saisons se surpassent, énoncent des symboles ; pour eux seuls la nature se raconte, s’émerveille de fleurs et d’herbes douces, de neige laineuse, de pluie soyeuse ; dans leur forêt les arbres ombrent le silence qui dérive des lèvres éprises. Entre la rencontre idéalement banale et la séparation des corps non des âmes, ils auront échangé, mieux que vains vœux sacrés, savoirs et langages. Et désormais lui, concret de fièvre, froisse l’étoffe la laissant respirer, entre ses doigts crisser ; désormais elle, dans sa solitude encore habitée, prononce ses mots à lui. Ensemble ils forment et figurent la poésie, et celle qui se traîne auprès d’eux n’est que trace appauvrie de ce qu’elle doit être, de ce qu’elle est quand elle se met à exister – l’infini à la place du vide, l’image à la place de la pensée, le cri à la place du verbe, l’extase à la place de la chair.
Pour les amoureux de la poésie : Bright star de Jane Campion, avec Abbie Cornish et Ben Whishaw (USA, Angleterre, Australie, 2006 – durée : 1h59)