Scènes de chasse au sanglier/Claudio Pazienza

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En autodidacte confirmé, Claudio Pazienza n’hésite pas à infléchir le documentaire vers la performance. Érigée en protocole expérimental, son obsession est de confronter diverses approches du réel tout en laissant celui-ci dans la marge. Aussi bien, du réel comme d’un père, comme de l’origine ultime de toutes choses garant de leur sens, il s’agit de faire son deuil. À l’écran, le verbe et l’image, langages ordinairement complémentaires, se donnent la réplique. De facto, ils se compromettent, déçoivent, non sans produire des étincelles, quelques fulgurances poétiques – fruits délicats d’une sensibilité qui tâtonne. Les déplacements convulsifs, promenades, allers-retours entre la Belgique (terre d’adoption) et l’Italie (terre natale) n’y peuvent rien ; en variant les instruments d’optique et les points de contact, Pazienza ne progresse pas plus qu’un cœur qui bat, qui balbutie, bégaie. Une habile obstruction du « je » permet l’anaphore d’un « tu » pluriel et réfléchissant. Poinçonné de « Tu dis », le film en tous sens se vaporise : « Tu dis, tu dis touche. Tu dis non. Tu perds le fil. Tu dis approche-toi, réellement. ». Perdue, l’origine de la langue et des images définit la plénitude jamais atteinte. C’est un arbre, mais un arbre nommé, photographié, intériorisé. C’est l’idée d’un arbre, la métaphore d’un arbre jaillissant d’une poitrine. Ou le dessin d’un sanglier. Traqué, abattu, saigné, dépecé, consommé, empaillé, porté sur les épaules comme une croix. Se livrant à une sorte de psychanalyse, régressant des noms aux choses, de leur saisie aux outils de capture, de la connaissance à la sensation pure, du figuré au figural, l’auteur rumine la mort de son père. Que reste-t-il, qu’est-ce qui disparaît ? Un corps sans vie, de la vaisselle à briser, une maison à vider, des souvenirs personnels. Des signes seulement, des signes. À ce rythme, l’anamnèse devient une chasse aux formules, une posologie du questionnement. Pazienza est un contempteur mélancolique mais persuasif. Par sa voix murmurante et ses visions très arrangées, c’est lui, en définitive, qui occupe la totalité du champ. Serait-ce que son intention lui échappe et se fasse plus grande que lui ? Cette jouissance simple qu’il semble appeler de ses vœux (idiotie dirait Clément Rosset, les choses collées à elles-mêmes), sa poétique ne la rend pas davantage possible. Reste donc, remède au deuil, un geste cinématographique et quelques éclats aussitôt convertis en signes.

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Claudio Pazienza, coffret dvd Fragments d’une œuvre 1997-2011, docnet.

Site de Claudio Pazienza

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