I was born with the wrong sign
In the wrong house
With the wrong ascendancy
I took the wrong road
That led to the wrong tendencies
I was in the wrong place
At the wrong time
For the wrong reason
And the wrong rhyme
On the wrong day
Of the wrong week
Used the wrong method
With the wrong technique
Wrong
Wrong : je retrouve intacte, fulgurante, l’émotion ressentie, il y a quelques années, à l’écoute de Never let me down, Only when I lose myself, Sister of Night… Ces chansons qui, comme les poèmes, à l’adolescence transfigurent la difficulté d’être, rendent la déréliction presque aimable. Un goût morbide pour le désespoir, qui soigne la peine en la creusant avec volupté, le doigt sur la plaie, le mot juste porté par un chant lugubre. Dans la discographie de Depeche Mode Wrong assène son leitmotiv déprimé, cioranesque, de l’inconvénient d’être né, comme auparavant Barrel of a Gun, chanson jumelle en ironie, complaisance et jouissance de la folie: What am I suppose to do / When everything that I’ve done / Is leading me to conclude / I’m not the one / Whatever I’ve done / I’ve been starring down the barrel of a gun. Les vidéos sont aussi sublimes et violentes que le son. Barrel of a Gun figure un homme, les yeux révulsés, tournoyant dans la neige, halluciné. Wrong fait pire. Une voiture lancée à toute vitesse la nuit – en marche arrière. Derrière le volant, personne. Accidents – sans dévier la voiture pulvérise les obstacles. A l’intérieur lentement une forme se relève : un homme masqué, menoté. Collisions, éclats de verre, néons, sang, traînées humides des phares : violence onirique, je pense à Lynch, aux démentiels Lost Highway et Mulholland Drive, routes balafrant l’angoisse, filant mystérieusement hors champ, vers un ailleurs plus obscur plus terrifiant que le cauchemar qui nous y déverse…
Les autres morceaux de Sounds of the Universe me touchent beaucoup moins. Suffisamment déconcertant à la première écoute, ce nouvel album de Depeche Mode me semble pourtant légèrement inabouti. Un mélange de vieux synthés et de sons nouveaux qui me laisse sur ma faim. C’est que je place tellement haut les poèmes de Martin Gore et la voix magnifique de Dave Gahan, si déchirante dans un environnement artificiel, que ce qu’ils donnent là ne me rassasie pas, au contraire. Ils sont deux, désormais, à l’écriture : on dit que Martin et Dave se sont réconciliés… Finalement ils ont travaillé si longtemps ensemble que leur style est identique – peut-être juste un peu plus nostalgique chez le chanteur. Chaque titre revoie à un titre antérieur, obsessions vivaces et cohérence émotionnelle : In chains / In your room (SM) ; Peace / Clean (rédemption) ; Jezebel / One caress / Blue dress (fétichisme), etc. Graphisme décevant de la pochette, j’ai vérifié, c’est pourtant toujours Anton Corbijn, rien à faire, ce cercle gris percé de mikados multicolores me paraît extrêmement laid. S’il s’agit d’une référence cosmique (comme Two planets de Bat for lashes, pas mal pour le reste), j’avoue que ça me fait plutôt rigoler! Autant le dire : la force de Wrong relève à elle seule le disque, d’autant qu’il est augmenté d’un dvd, avec la version filmée de la chanson, donc, magnifique.
Sans vouloir trop insister, je recommande aussi l’écoute de la version remixée par Caspa, peut-être encore meilleure que celle de l’album.
Depeche Mode, Sounds of the Universe
Discographie de Depeche Mode à la médiathèque