Vita Brevis de Thierry Knauff

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Un personnage mutique s’inscrit comme un point d’interrogation sur l’écran. Dans Vita Brevis, film de Thierry Knauff, c’est une petite fille qui, seule au bord d’une rivière, ne dit mot. Cette enfant nous pose une question, laquelle, nous ne le savons pas. On se met à chercher. L’absence de paroles rend l’être en son entier signifiant : d’abord le visage et les gestes de la petite fille, ensuite ce qu’elle voit ou pourrait entendre. Deviner ce qu’elle pense entraîne un va-et-vient entre ce qu’elle dégage (quelque chose de plus que la simple apparence) et ce qu’elle intériorise. Arrêtons-nous ici. Le mutisme d’un être nous autorise-t-il à nous mettre dans ses pensées, à collecter les indices qui nous y conduiraient ? Que va-t-on imaginer de cette petite fille ?

Elle apparaît tenant un oiseau dans les mains. Autour d’elle, la nature vibrante, volubile, promet comme l’avènement d’un conte – un conte de fées peut-être – qui n’advient pas. On comprend que, pour une fois, l’enfant ne sera pas l’endroit d’un récit. Ce qu’elle touche et que ce qui la touche ne demande pas à être interprété ni même raconté. Son silence se double d’un air presque buté. Elle plisse les yeux, à cause du soleil, elle détourne la tête, ses cheveux défaits lui strient les joues.

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L’attention qu’elle porte à ce qui l’entoure nous éloigne insensiblement de sa personne. Elle rentre dans son rôle de guide. Par sa position, par son attitude, l’enfant nous ouvre un chemin de sensations. Le décor s’avance vers le devant de la scène, ce n’est déjà plus un décor mais les prémisses d’une (seconde) apparition : les rives du cours d’eau rendent le temps substantiel.

Ce qui, dans Vita Brevis, s’offre à notre sensibilité, se mesure à l’aune du cycle de vie d’un éphémère. On n’ose à peine imaginer qu’une aventure aussi négligeable puisse constituer une expérience digne d’intérêt. Intéressés, en effet, nous le sommes moins qu’émus, et de là, secoués, désorientés.  En offrant de la visibilité à des êtres presque invisibles, à l’événement infime qu’est leur vie, Thierry Knauff ne fait qu’accompagner ce qui, pour les éphémères, se déploie à partir de la mue : l’envol, l’amour suivi de la mort. Mais, au cinéma, accompagner n’est-ce pas avant tout révéler, aller au-delà de la vision ?

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En sondant la mémoire du cinéma, on peut découvrir une certaine affinité entre Vita Brevis et Louisiana Story de Flaherty ou encore, mais avec les réserves qu’impose un contexte beaucoup plus sombre, L’Enfance d’Ivan de Tarkovski. Le premier est un (faux) documentaire, le second une fiction, mais ce n’est pas cela qui interpelle et justifie le rapprochement. Pas plus d’ailleurs que le recours au noir et blanc plutôt lié à l’âge de ces films. Ce qui relie ces trois œuvres (sans qu’elles ne soient d’ailleurs redevables les unes aux autres) s’érige autour de la figure de l’enfant solitaire au milieu des eaux (bayou, marécages, rivière) : une subjectivité silencieuse  donnée comme proposition d’un regard sur la nature. Et pas seulement un regard d’ailleurs, mais un rapport singulier qui recèlerait autant de curiosité, de désir que d’effronterie. Élan sauvage mais conscient vers un monde au milieu duquel, nimbé d’eau et de soleil, l’enfant acquiert une aura quasi divine. La rivière dans son sillage devient un royaume d’exception, le berceau d’un monde réconcilié. L’enfant n’a ni le statut de la proie ni celui de l’envahisseur. Dans cette parenthèse merveilleuse, peut-être a-t-il tous les droits. Le droit d’explorer, de prendre, de transformer, de capturer et surtout, celui de laisser libre. L’émerveillement suffit comme morale.

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C’est un film d’une tout autre ambiance qui se joue en première partie du programme. Tourné en 1963 et long d’une vingtaine de minutes (Vita Brevis, qui en compte le double, peut paraître plus court), Dimanche d’Edmond Bernhard établit avec Vita Brevis un contraste saisissant. Avec ses cadrages obliques et sa bande-son anxiogène, cette œuvre de l’homme qui fut aussi un maître pour Thierry Knauff confirme tout ce que l’on peut redouter d’un repos organisé : des visages marqués par l’hébétude saisis dans la solitude ou, pire, dans des activités grégaires soulignent la poignante absurdité d’un chômage de commande. (Il y a quelques années je m’étais risquée à écrire un bref commentaire sur ce film. Oublié depuis, je constate après l’avoir revu qu’il suscite toujours en moi le même effroi.) J’ignore si le choix de Dimanche a été motivé par la dureté du regard qu’il porte sur le monde, hommes et nature mêlés pris d’une crispation commune, regard qui s’offrirait comme l’antithèse de la tendresse, de la langueur presque amoureuse que déploie sur ces mêmes êtres Vita Brevis. Quoi qu’il en soit, la parenté de style et de sujet qui unit les deux films et le collage qu’opère la projection induisent une continuité à la faveur de laquelle les premières notes de Vita Brevis se reçoivent avec un certain soulagement. À tel point qu’on pourrait imaginer que l’avion au moteur assourdissant qui vient compromettre la quiétude au milieu de Vita Brevis s’est échappé de Dimanche.

Dimanche

Brutale, cette enfreinte au calme supposé de la rivière ne l’est que parce qu’elle évoque la présence d’une autre réalité. Celle-ci, demeurée jusque-là hors-champs, on avait cru l’oublier. Il est d’ailleurs difficile de la qualifier ; le nom qu’on lui donnera dépendra de la sensibilité de chacun : industrielle, civilisée, habitée ou simplement humaine. À la jonction d’ici et de là-bas, sur ce bord de rivière, le statut même de l’enfant conserve une ambiguïté. Est-elle une émanation de la nature proche des oiseaux, des poissons, des insectes, ou une émissaire des hommes, séparée des bêtes, supérieure à elles ?

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La dualité s’estompe avant même qu’elle ne soit dite, le film a une tout autre profondeur. C’est que l’univers fluvial abrite une vie tumultueuse qui, pour être captivante, se passe de comparaison et de coups de tonnerre. L’acuité du regard rend au surgissement d’un oiseau, d’un insecte, aux effets d’un vent qui se lève comme au relief d’une vague les dimensions d’un événement à hauteur d’eau. Cette sensibilité, cette attention extrême qui fait parler la rivière, nous l’avons dit, est conduite par la petite fille. Le style s’en fait l’écho. Le noir et blanc, relayé par la bande-son, amplifient le réel. Le procédé qui consiste à redessiner l’image par éviction de la couleur s’applique également au bruit. Du fouillis sonore de la vie sauvage ne se retiennent que quelques voix distinctes : le chant des oiseaux, le vrombissement des insectes, les gargouillis de l’eau. Mise au service de la vérité plutôt que de l’effet, cette sélection – qui n’exclut pas la nuance – renvoie à une oreille vivante. Lorsque l’on se met à l’écoute des insectes, on cesse d’entendre les oiseaux…  Qu’il s’agisse de la masse d’un feuillage ou de la surface d’une eau, la caméra qui s’attarde, rend les jeux du vent et de la lumière bouleversants.

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À ce basculement des échelles le corps répond par le vertige. Vita Brevis nous fait perdre nos repères. À tel point que quelque chose finit par disparaître de l’image : son sens premier, son référent. À la place, une autre vision s’invite, hallucination ou réécriture, comme on veut. Seul à l’image, l’éphémère confine à la fleur. En essaim, c’est une danse, une composition abstraite : un logogramme de Dotrememont, noir et blanc inversés, ou – comme Thierry Knauff lui-même le suggère – une encre de Michaux. Dans le fait de la mue (filmée sur plusieurs individus), ce trouble de la vision rencontre son expression la plus aboutie. Celle-ci met en scène et retourne vers nous le principe d’apparition que Vita Brevis soumet à notre regard. Une fois encore, on se demande : qu’est-ce qu’on voit ? Cette dépouille que l’insecte abandonne après s’en être péniblement extirpé, n’est-ce pas déjà une première mort ?

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Parce qu’il met un terme à ces interrogations, à ces divagations, le retour insistant de la caméra sur l’enfant peut par moment gêner. Il est doux de laisser nos sens emprunter les chemins du lyrisme sans qu’aucune forme ne réfrène cet élan… Le visage de l’enfant, plus encore que celui d’un adulte, fermé à l’interprétation, nous arrête.  Son regard que la caméra épouse ouvre une voie imaginaire que l’opiniâtreté de sa peau referme aussitôt. Pourquoi ?

Peut-être, tout simplement, pour qu’on en revienne aux éphémères. Le dispositif de Vita Brevis doit tout au poème y compris sa rigueur. Dissimulé dans les tréfonds du montage, le propos – s’il en est un – ne se dévoile pas, à peine se donne-t-il comme une délicatesse. Voudrions-nous oublier que les éphémères sont ce qu’ils sont, qu’ils ont leurs affaires à suivre (naître, aimer, mourir), un destin individuel et un langage – tel celui de la petite fille – qui nous échappe ? Voudrions-nous rêver plutôt que regarder, nous installer plutôt que nous perdre ? Par la profondeur de sa vision et les contraintes qu’elle s’impose, la mise en scène nous préserve des tentations du narcissisme et de l’anthropomorphisme. Car les éphémères sont aussi ce qu’ils ne sont pas : une allégorie, un code indéchiffrable, un peuple terrestre, aérien ou aquatique et surtout mutant, tantôt végétal tantôt animal, absolument différent de nous et seulement par métaphore analogue à nous. La grandeur de leur règne s’épanouit dans cette oscillation du regard qu’ils inspirent et qui leur conserve une part d’irréductibilité. Et c’est aussi la grandeur d’un film qui, écoute et regard réglés sur l’infime, sans le trahir, sans le dénaturer ou tenter de parler à sa place, nous le présente tel qu’il est comme sujet de pensée.

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Vita Brevis, Thierry Knauff (+ Dimanche) : calendrier des projections

Analyse de Dimanche d’Edmond Bernhard

Quinze minutes d’entretien entre Thierry Knauff et Philippe Delvosalle (PointCulture / Radio Campus) à propos de Vita Brevis :

 

 

Photos

(1), (2), (6) et (9) : Vita Brevis, Thierry Knauff / Les Films du Sablier

(3) Louisiana Story, Robert Flaherty (1948)

(4) L’Enfance d’Ivan, Andreï Tarkovski (1962)

(5) Dimanche, Edmond Bernhard (1963)

(7) Vers sept heures du matin, Christian Dotremont (1978)

(8) Foules, Henri Michaux (1972)

 

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De l’ambiguïté – Tomboy de Céline Sciamma

L’ambiguïté en annexant les contraires embarrasse les limites, et finit par les ronger. Son pouvoir de fascination tient à qu’elle complique les rapports simples. Si accueillante qu’elle paraisse, elle n’est jamais neutre mais délusoire, riche, entière, mais sans prise, ne s’ouvrant pas tant elle-même que résumant sa complexité en une surface miroitante. N’ayant ni forme ni état ni genre définis, ni même tout cela à la fois, l’ambiguïté divise, dérange, tend à faire le vide en elle et autour. Comble de confusion, en ce tout à la fois qu’elle désavoue aussi, il n’y a pas plus d’harmonie que de projet, c’est désespoir de son propre devenir. Souvent réduite aux crispations qu’elle génère, résistance passive décrite et décriée de l’extérieur, il faut presque en faire l’expérience pour entendre ce qu’elle a à dire. Ou plutôt : en prendre conscience, l’adopter comme regard sur soi. Partant, c’est ce que nous propose Céline Sciamma avec Tomboy, second film après Naissance des pieuvres. L’entrée en matière est une apparition, celle de Laure, âgée d’une dizaine d’années, qui, cheveux coupés court, chemisette, bermuda, gaillarde et d’une désinvolture très étudiée passe sans peine pour un garçon. Apparition n’est pas un vain mot : tant d’antagonismes réunis en un seul être produisent un effet saisissant. Dans cette chronique estivale qui a le bon goût de rester anodine (surtout pas exemplaire), l’ambiguïté circule et se diffuse, difficile de savoir si Laure la cristallise ou la propage. Peu importe, elle se présente sous son meilleur jour, pleine et sans drame sinon, nécessairement, celui de son devenir forcé. Face à un personnage aussi trouble, le spectateur connivent n’en est pas moins dubitatif : Laure est un de ces êtres secrets sur lesquels les interrogations s’irritent et les désirs s’exacerbent. Mais la présenter comme une transparence sur laquelle le monde viendrait se cogner pour voler en éclats reviendrait déjà à prendre parti, ce que Céline Sciamma évite judicieusement. C’est un réel où tout s’intervertit, dévie légèrement, semble vouloir donner raison à Laure. D’une certaine façon, elle est bien ancrée, elle correspond. Son naturel forcerait presque le réel à se contredire, c’est-à-dire à révéler son ambiguïté foncière.  Laure, rompue à l’analyse et intuitive, a le génie des situations. Ce n’est pas une asociale, une fille mal dans sa peau, un de ces personnages qu’un mûrissement précoce voile déjà d’aigreur. Au contraire. Tant qu’elle se donne comme elle le sent, vivacité, courage, intelligence, elle s’intègre merveilleusement. Il n’y a pas jusqu’à la forêt qui ne participe de cet état de grâce où chaque coup d’audace semble devoir être récompensé selon son mérite. Par la forêt, l’ambiguïté dit le vrai de la nature, mais à cette évidence s’en ajoute une autre, précieux raccourci : la forêt importe un imaginaire consacré, celui d’un lieu mouvant, terrain de jeu et jeu du terrain : matières qui s’absorbent et se rejettent, qui s’échangent et se différencient. Oui, la forêt donne accès à l’immédiat du conte, mais que l’on se rassure : Tomboy y puise bien davantage pour ne garder, du merveilleux enfantin, qu’un frémissement de mémoire.

Céline Sciamma a-t-elle délibérément rejeté l’équivalent français du mot tomboy pour titrer son film ? Il est certain que l’emploi de l’expression garçon manqué n’aurait pu qu’offusquer son propos. S’il s’agit par là de qualifier l’être d’une fille qui, par hasard – le hasard a ici toute son importance car il évacue d’emblée tout soupçon de posture, de revendication -, par hasard donc se fait passer pour un garçon, le manque, en l’occurrence, n’est pas en elle. On pourrait mettre ceci en parallèle avec la tradition japonaise, selon laquelle l’enfant, en deçà d’un certain âge, est comme un petit dieu. Il y a bien quelque chose de surnaturel chez Laure, d’irréductible à la science des hommes. Et c’est un excès. Son ambiguïté se traduit par un trop-plein. Elle est indépendante mais sociable, fille mais garçon, robuste mais frêle, crâneuse mais attentive, etc. Raison pour laquelle elle n’a pas plus de prise sur le monde qu’il n’en a sur elle. Sans doute est-ce à cet endroit que ça fait mal : Laure doit trouver le moyen d’exister pour autrui. Le manque est donc la conséquence de ce trop-plein, besoin de reconnaissance, de sortir de chez soi. Or le monde lui répond en lui demandant moins que ce qu’elle peut donner. Il n’y a que dans sa relation avec sa petite sœur que les choses sont plus ou moins équilibrées, parce qu’elles reposent sur des conventions entendues. Par ailleurs la complémentarité n’est pas souhaitable pour celle qui se complète trop bien, elle n’est pas découpée et calibrée comme ces pièces du puzzle que la petite sœur emboîte d’un air distrait. Elle, elle veut s’éprouver, se dépenser. Donner tout ce qu’elle a, tout ce qui bouillonne. Mais le don de soi réclame une forme. Il ne lui suffit pas d’être pour exister dans le regard des autres, il faut qu’elle se compose une identité. Qu’elle se réduise. Cela commence avec les parents, il faut mentir un peu. Franchi le seuil de la cellule familiale, il faut mentir un peu plus. Et avec l’amoureuse, mentir tout-à-fait. Ainsi Laure ne décide-t-elle pas de se faire passer pour un garçon, elle répond à l’interpellation d’une autre fille qui, l’apercevant pour la première fois, éblouie, lui attribue un genre selon son désir. Pour exister dans le regard d’autrui, Laure doit apprendre à répondre aux attentes, à les anticiper. Mais à cet âge, dans ce film, ce n’est pas si grave. Illustration par la petite sœur, laquelle saisit immédiatement l’opportunité que Laure devienne un grand frère, à admirer et à faire admirer. Ainsi, elle fait plus que s’accommoder d’une projection a priori fausse, en tout cas réductrice, elle y arrime ses propres fantasmes. Laure ment par omission, et cette mise en forme convient à tous, tant que le caché reste caché. Si, pour répondre au monde, Laure n’a pas d’autre choix que de se manquer à elle-même, c’est que l’ambiguïté, infiniment riche de sens, le permet. La réponse de Laure n’est pas seulement partielle, elle n’est qu’un semblant. Une robe accrochée à de hautes branches, un sourire énigmatique sont signes qu’elle ne s’y résout pas.

Céline SCIAMMA, « Tomboy », avec Zoé Héran, Jeanne Disson, Malonn Lévana, Sophie Cattani, Mathieu Demy. France, 2011 (durée : 84’)

ces choses penchées glissant dans un éboulement sans fin

Lodge KERRIGAN, « Clean, Shaven », avec Peter Greene, Etats-Unis, 1993 (durée : 79’)

« Et j’écouterais encore ce souffle lointain, depuis longtemps tu et que j’entends enfin, que j’apprendrais d’autres choses encore, à ce sujet. » Beckett, Molloy

Avec Peter, impossible de se situer, on n’est nulle part,  à l’intérieur, à l’extérieur, tout près, très loin… Expérience éprouvante que de se retrouver dans l’esprit d’un fou. L’opération réclame un ajustement, c’est-à-dire un désajustement, puisqu’il s’agit de dissocier perceptions et raison, opération faussée d’avance car elle prétend, par un acte de volonté, atteindre  un état de dérive  involontaire… Choisie, cette étrangeté peut se comprendre comme le fait de renoncer à une relation au monde consensuelle. Se nier et s’affirmer d’un seul geste, déconstruire l’identité, détailler toutes les incompatibilités qui se développent à partir d’une seule fracture. La schizophrénie s’expose en  libre accès, oppose son visage  impénétrable, dépose un bilan d’impossible altérité (aliénation). Sans artifice, sans métaphore, Clean, Shaven modèle son paysage sur  une conscience disloquée, exorbitée, puis nous invite à le parcourir. Il n’y a  pas d’arrière-plans, pas de ligne d’horizon, mais une dimension vacillante qui s’effrite en permanence : la représentation de la folie  dévoile la zone liminaire où fiction et réalité se confondent. Peter est double, en tant que tel, en tant que personnage, double négation devenant forte affirmation. Sur lui le regard blesse, se fragmente, non pas seulement le regard mais l’ouïe,  le toucher, l’existence… Entendre ce qu’il entend, grésillements de voix lointaines, injonctions mystérieuses, infrasons, ultrasons ; se crisper, éviter, agripper, frapper, réprimer. Mais que fait-on réellement ? Comment savoir ce qui se passe, ce qui est réel et ne l’est pas, subjectivement, objectivement ? Insupportable confusion. Changer d’angle, s’éloigner de Peter, entrer, par exemple, dans le cerveau de son alter ego, l’enquêteur ? Rien à faire, cet homme-là ne comprend pas davantage ce qui lui arrive, il analyse, déduit, suppose, c’est sa fonction, mais aussi il hésite, fantasme, se trouble, dérive. Concrètement, lui et Peter, ça fait juste une division supplémentaire (cf  Molloy / Moran). Est-ce à dire qu’il faut se résoudre à la cacophonie  ? Ne peut-on pas encore se raccrocher à quelque élément stable, ne serait-ce qu’à une illusion ? Régresser, trouver le moyen de vivre avec une vision partielle, incidente, affectée – créer la continuité et la maintenir. Les indices, ça se corrige, ça s’ordonne, ça se construit. En matière de schizophrénie, Lodge Kerrigan tranche avec le symbolisme fastueux de Spider (Cronenberg), ou avec la sanglante charge politique de Bug (Friedkin), Clean : Shaven (et plus tard Keane) , doit se comprendre comme une quête désespérante de récit. Mais le fou chemine dans son désordre, juxtapose des réalités incommensurables, et cette multiplicité  renvoie à une forme d’indétermination dont, en retour, la schizophrénie n’est guère qu’un symptôme. Tout est sujet à interprétation, le réel parle simultanément et confusément toutes les langues. La folie de Peter agit comme une caisse de résonance, difficile de ne pas se perdre en lui… Identification n’est pas empathie : quelque chose résiste, bien sûr on ne peut pas être fou et être spectateur de la folie ; mais alors,  comment savoir où l’on se trouve ?

« Mais c’est un son qui n’est pas comme les autres, qu’on écoute, lorsqu’on le veut bien, et que souvent on peut faire taire, en s’éloigant ou en se bouchant les oreilles, mais c’est un son qui se met à vous bruire dans la tête, on ne sait comment ni pourquoi. C’est avec la tête qu’on l’entend, les oreilles n’y sont pour rien, et on ne peut l’arrêter, mais il s’arrête tout seul, quand il veut. Que je l’écoute ou ne l’écoute pas, cela n’a donc pas d’importance, je l’entendrai toujours, le tonnerre ne saurait m’en délivrer, jusqu’à ce qu’il cesse. » Beckett, Molloy

Lodge KERRIGAN, « Clean, Shaven »

Lodge Kerrigan : « Keane » : Zones extérieures d’enfermement

Lodge Kerrigan : « Claire Dolan » (1997)

William Friedkin, « Bug » (2006)

David Croneneberg, « Spider », (2002)

Pierre et le loup

Naturellement, Pierre et les animaux se parlent des yeux, c’est un langage à la fois plus immédiat et plus sincère que n’importe quel autre système. Sans doute est-ce la raison pour laquelle Pierre les a si grands, si bleus : c’est une invitation à y aller, là, tout au fond, jusqu’à l’âme, jusqu’au cristal de la  sensibilité, mais aussi de la solitude. Qu’on se rassure, il ne s’agit pas d’une nième adaptation de l’œuvre de Prokofiev, Pierre et compagnie ne tiennent pas à nous apprendre les familles d’instruments, et leur histoire ne vise pas tant à nous amuser qu’à nous faire réfléchir, discrètement, habilement. Le caractère étrange de l’animation compense  avec grâce ce que  l’œuvre a, semble-t-il, perdu  en familiarité… D’abord l’image se suffit à elle-même, exit le narrateur ; ensuite ça commence par des bruitages, qui reviennent dès que la présence de l’orchestre n’est plus requise. La musique se laisse désirer, si bien qu’on cesse de l’attendre, et lorsqu’elle arrive enfin, c’est comme si on ne l’avait jamais vraiment entendue, scintillante, espiègle, nerveuse, équivalent sonore des gestes qu’elle souligne, de la nature qu’elle rehausse, des ennuis qu’elle annonce… Car la joie de jouer n’est pas sans revers et c’est la noirceur, la cruauté qu’il faut prendre sur soi – celle du loup n’étant pas la pire – l’avidité, la violence des hommes. En ce sens, Pierre rappelle un peu le petit garçon, fragile et futé, du Ballon Rouge, comment protéger ceux qu’on aime ? Voilà ce que nous apprennent les petits garçons : dans ce mur de chagrin que dressent devant nous la violence et la bêtise, il y a toujours moyen de pratiquer une ouverture, pas grand chose, une ouverture à hauteur de petit garçon, ensuite il suffit de passer à travers, derrière le mur c’est là que se trouve la liberté.

Suzie TEMPLETON, « Pierre et le loup », (Grande-Bretagne, Pologne, Norvège, 2006 – durée : 33’)

« Le Ballon Rouge »,  Albert Lamorisse

Autres versions de « Pierre et le loup » à la médiathèque.

Site officiel de Suzie Templeton

Le ballon rouge

A propos de : Albert LAMORISSE, « Le ballon rouge », France, 1956 (dvd : Cinéart, durée : 36’)

Aux yeux d’un petit garçon, la ville devient parfois un lieu étrange. Tenez Paris. C’est une ville fantastique, un terrain de jeu incroyable ! D’accord, on peut enlever toutes les couleurs, un peu de gris avec du bleu ça devrait suffire ; tant qu’à faire, on enlève aussi les magasins. Ca ne sert à rien, de toute façon, les magasins. Attendez, tous les magasins ? Ah non, on garde les pâtisseries, tout de même, il faut bien acheter le quatre-heure. Les gâteaux à la confiture, les petits pains dorés, on garde, et le reste on oublie. Juste les trottoirs et les feux rouges pour s’arrêter de temps en temps, regarder les grandes automobiles, observer les gens tout autour, tellement sérieux, tellement occupés – des  pantins ces gens-là !  Paris c’est plein de rues qui tournent dans tous les sens et qui renvoient toujours ailleurs, des larges et des très étroites – évidemment c’est celles-là qu’on préfère. Il y a des gros pavés pour trébucher ou non, seulement si on veut danser sur place, goûter le froid du sol, sentir la rondeur de la pierre mouillée. Et puis ça monte et ça descend, comme les montagnes mais en moins loin, puisqu’on finit toujours par rentrer à la maison pour dormir. Surtout, il y a les escaliers, c’est magique les escaliers, il arrive qu’on puisse cueillir, dans un coin secret, invisible aux gens pressés,  un ballon. Un beau ballon rouge, sans doute le plus beau ballon du monde. Et le plus gentil aussi, le plus fidèle : il va même jusqu’à suivre le petit garçon partout. Il traverse la rue, passe par les fenêtres, clandestinement c’est plus drôle. Parfois il attend dehors, quand ça arrange tout le monde, mais il peut prendre le parti de taquiner les importuns afin de précipiter un départ. A l’église, à l’école… Qu’est-ce qu’on s’ennuie à l’école, on n’apprend rien, le temps passe lentement, on rêve au plus beau ballon du monde qui attend dehors pour faire les quatre cents coups – tiens, une bonne idée ça, les quatre cents coups, peut-être pour un autre petit garçon, qui sait ? Attention tout de même, ne rencontre pas son ballon rouge qui veut ! Tout le monde n’est pas capable d’aimer son ballon rouge. Ça demande du temps, beaucoup de temps. Pour flâner, errer, aller et venir sans but. La promenade, c’est essentiel à la santé du ballon, il a besoin de beaucoup d’espace, et de grand air, de ciel, de vent, de mouvement, de liberté. On ne traite pas un ballon comme un vulgaire objet. Tenez, quand il pleut, on doit l’abriter sous un parapluie, ou deux, ou trois. C’est simple, les parapluies sous la pluie c’est comme les cailloux pour traverser une rivière, il suffit de les enchaîner. En guise de remerciement, le ballon pourra nous tirer d’embarras. Quand le ballon prend quelqu’un en grippe, autant dire qu’il ne le lâche pas, c’est très drôle de voir les gens sérieux faire mille manières pour un simple ballon ! Bon, aussi quand il a le coup de foudre, c’est plus embêtant. Comme cette fois-là, avec le ballon bleu ! En plus, le ballon bleu semblait apprécier… Et la petite fille qui tenait le bleu, le rouge qui n’arrêtait pas de les suivre. Une rencontre entre ballons, et puis quoi encore, on a mieux à faire, on est bien à deux, non ? Parce qu’ensuite, il devient coquet. A la brocante, on peut le surprendre en train de se regarder dans un miroir. Rien que ça ! Malheureusement, un petit garçon avec un si beau ballon, ça ne passe pas inaperçu, ça se remarque, ça fait des envieux. Les gamins du quartier se mettent à tendre des embuscades, les lâches ! Jaloux bien sûr, et pas courageux, ni très malins, toujours en meute, comme ça le nombre compense la bêtise. D’abord ils cherchent à le capturer, ça  dure assez longtemps parce qu’avec le ballon on sait se défendre ! Ensuite, ils se rendent compte justement que le ballon ne se soumettra jamais à leurs jeux violents. Alors ils le crèvent, sous les yeux du petit garçon. Qu’est-ce qu’on peut faire pour le défendre ? Et si on ne réussit pas à le protéger, on est coupable ? Ce serait bien, si tous les ballons étaient solidaires les uns des autres, et qu’ils se rassemblaient pour composer, en quelque sorte, un parachute multicolore. Alors,  le petit garçon pourrait s’envoler, très loin, très haut.

Albert LAMORISSE, « Le ballon rouge »

François TRUFFAUT, « Les quatre cents coups »

Voir aussi le bel hommage de Hou Hsiao-hsien, Le voyage du ballon rouge.

Un autre hommage, très récent ? Là-haut…

Miyazaki ou la réinvention de la nature.

De tous les contes (qui furent, avant même que cela ne devienne une passion et n’occupe une part déraisonnable de mon temps, mes premières lectures, formatrices, fiévreuses, ferventes), La Petite Sirène d’Andersen est resté comme ma préférence. Parfois je marche dans ses pas, sur des éclats de verre,  parfois je regarde les étoiles, songeant que ce séjour là-haut, présenté comme une sublime consécration,  ne peut compenser une vie gâchée, parfois je souhaiterais qu’elle ait agi autrement, qu’elle ait conservé son corps hybride, refusé l’ignoble pacte de la sorcière ou tué sa rivale, mais en réalité, ma fascination pour ce conte-là  tient précisément  à son déroulement impitoyable et à la cruauté qu’il inflige à l’héroïne. Pour cette raison, j’ai toujours évité les films et les animations dérivées de cette histoire, car, me semble-t-il, aucune n’en respecte le pessimisme absolu. Et puis, la semaine dernière, j’ai vu Ponyo… une petite fille-poisson qui, tombée amoureuse de son sauveur (un gentil garçon de son âge, Sosuke), décide de s’humaniser pour quitter la mer. Ne serait-ce pas une variante de la petite sirène ? Étrangement non : Ponyo est tout entière la création de Miyazaki, et les analogies avec l’héroïne d’Andersen pourraient presque paraître fortuites, tant ce personnage espiègle et impulsif , innocent et rieur, s’intègre à l’univers du maître japonais, proches en âme de ses sœurs Chihiro et princesse Mononoke.

Et c’est ainsi que je me suis attachée à ce récit merveilleux, ravie d’y voir dessinés certains lieux rêvés – maison sur une falaise surplombant la mer, cité intégrée à la nature – et savoureusement représentés des gestes quotidiens, éclats de bonheur en miniature que la fatigue recouvre jour après jour de poussière. Pour Ponyo-le-poisson transformée en petite fille, tout est un enchantement. A commencer par les nourritures terrestres : une cuiller plongée dans un pot de miel dont le nectar s’écoule voluptueusement dans le thé, ambré, rond, concentration de lumière et de sucre. Les pâtes qui gonflent paresseusement dans l’eau, accompagnées de légumes ludiques et multicolores (flagrant délit d’autocensure : je ne mentionnerai pas la passion de Ponyo pour le jambon!) C’est sous sa forme animale que Ponyo gagne le cœur de Sosuke, et même s’il accueille avec joie la métamorphose du poisson en petite fille, on sent qu’elle ne lui est pas forcément indispensable : il aime la petite fille comme il aimait le poisson, d’un instinct protecteur qui n’est guère de son âge. De l’enfant, Sosuke n’a guère que l’apparence… Pour le reste, les traits de caractères, tels que l’innocence, le spontanéité, le désintéressement, qui semblent chez lui devoir s’y rattacher, s’apparentent en réalité à sa nature particulière, dont le chiffre n’est que le symbole. Miyazaki explique en effet que cinq ans est l’âge crucial qui sépare l’enfance de la divinité. Ainsi Sosuke est-il d’autant plus remarquable – et son aventure emblématique – qu’il n’est pas encore tout à fait humain. Cette grande simplicité, qui est, en quelque sorte, la marque des animations de Miyazaki, offre à la fois de multiples interprétations et la douceur d’une rêverie ininterrompue. S’il enrichit son propos de références, celles-ci ne parasitent jamais l’imaginaire comme le feraient, par exemple, celles dont abusent les productions américaines, clins d’œil culturels immédiats, comiques peut-être mais stérilisants pour la pensée. L’univers de Miyazaki, profondément cohérent, se nourrit d’archétypes, de mythologies ; aussi, lorsqu’il fait le procès social et écologique de ses contemporains, l’imaginaire n’en reste pas moins sensible. Le tsunami soulève la mer comme une symphonie, tour à tour puissante, généreuse, furieuse, destructrice : une représentation certes anthropomorphique, mais efficace, qui explique ordre des choses actuel par les généalogies anciennes. Vibrant, sincère, le panthéisme de Miyazaki se présente paradoxalement comme une idée révolutionnaire : gentille histoire d’amour entre deux enfants mais pamphlet rageur pour une union inconditionnelle, physique, charnelle entre l’homme et son environnement. Au-delà de l’évidence utopique, Miyazaki  a  surtout un talent inouï pour faire jaillir, de l’harmonie qui lie ses idées aux images, un univers émouvant, extrêmement désirable, dont le dessin débordant de poésie, mais aussi naïf, léger et immédiatement identifiable, réveille nos rêves primordiaux, peut-être, malheureusement, oubliés.

Ponyo sur la falaise, de Hayao Miyazaki – au cinéma

Hayao Miyazaki : films et musiques, disponibles à la médiathèque.

Protections éphémères

Blankets – le titre – a été  traduit, de façon quelque peu péremptoire,  en un joli Manteau de Neige. L’image ne ment pas, elle évoque l’hiver, sa beauté cruelle et sidérante dans laquelle s’encastre le récit, mais elle n’en trahit pas moins la polysémie essentielle du terme blankets. Couverture déployée ou pliée, étreinte, protection matérielle et immatérielle, chaleur, refuge, dernier vestige du souvenir tissé par des mains amoureuse … Ou encore, métonymie du roman –  assemblage graphique de pans  mémoriels, enfance et adolescence entremêlés dans le devenir…

Suffisamment libre pour laisser respirer l’imaginaire, Blankets, d’un trait délicat et rêveur, trace le passé de son auteur, Craig Thompson. Plusieurs lignes narratives s’enchevêtrent. La famille, l’amour, la religion. Au fin fond de nulle part, dans une campagne austère du Nord des Etats-Unis, Craig et son petit frère grandissent au sein d’une famille évangéliste. A la dureté du climat s’ajoute celle d’une éducation sévère, fondée sur l’effroi d’une lecture littérale de la Bible. Ce regard intérieur, critique et sensible, apporte un éclairage pertinent sur ces communautés difficiles à comprendre, dont les médias se servent, avec leur subtilité coutumière, pour diaboliser une certaine Amérique. Le tableau que présente Craig Thompson est certes terrifiant : enseignement dogmatique, régressif, intolérant et culpabilisateur. Craignant l’autonomie de la pensée, l’évangélisme n’apprend pas aux enfants à réfléchir ni à interroger leur expérience personnelle, au contraire, il  impose une vision du monde hermétique  et figée. Dans ce contexte, les adultes font triste figure, malheureux, pervers ou carrément méchants, rivés aux interdits qu’ils ne cessent eux-mêmes de transgresser. Craig Thompson illustre ce milieu délétère avec la candeur d’un croyant sincère ; son point de vue sur l’intégrisme prend valeur de témoignage : voilà ce qu’il a traversé, voilà ce qu’il a quitté, sans haine et sans amertume. A quoi bon les accabler, ces prisonniers de la foi ? Sa propre traversée spirituelle se conclut par la reprise du mythe platonicien de la caverne, de l’aveuglement à la douloureuse conscience.

L’émancipation spirituelle est enchaînée à l’apprentissage amoureux. La progression du sentiment affaiblit l’autorité des adultes,  l’âme est prise d’un bouillonnement irrépressible qui ne souffre aucune résistance, c’est le  ravage bénéfique par la découverte de l’autre – de la chair. Craig, habitué à la solitude, découvre une nouvelle forme de solitude, intenable celle-là, un manque, une soif qui se manifeste avec violence. Du sentiment métaphysique au sentiment amoureux, il fait  enfin l’expérience de lui-même : les questions qu’il se posait depuis toujours ne se braquent plus contre lui mais l’entraînent au-delà, dans l’ivresse de l’inconnu. Enroulé en spirales et tourbillons, le dessin de Craig Thompson épouse ses émotions. L’apaisement viendra plus tard, pour l’instant, ça se déchaîne trop, à l’intérieur ; la passion renferme un tel amalgame de désirs, frustrations et peurs que, faute de la comprendre, de pouvoir même l’exprimer par les mots, il faut l’extraire brutalement , entière, indistincte. Ce jeune homme, Craig, a l’air si gentil, si doux, mais le graphisme dit le contraire. L’apparence déborde toujours son sujet, dans le dessin ou l’écriture, jamais un personnage ne se limite à son corps! Craig transparaît dans la neige, les arbres, les chambres, les murs, et souvent tout cela se mélange furieusement, dans un élan de vie magnifique, une tempête salutaire. Sans doute fragile, le manteau lui sera encore nécessaire, mais au moment voulu, il fera de cet ultime refuge un feu magnifique.

Blankets / Manteau de Neige, de Craig Thompson – 2004

Casterman écritures pour la traduction