Le phénomène des docu-fiction atteint également le domaine de l’édition, avec son goût prononcé pour les témoignages saignants, les scandales, les révélations croustillantes, aussi proches de la littérature qu’un article de Voici ou de Paris-Match. Conséquence comique de cet engouement, la multiplication des fausses autobiographies. Quelques exemples au hasard. En 2004, c’est le scandale J. T. Leroy, auteur mystérieux d’un livre trash racontant une enfance à faire pâlir Dickens, auprès d’une mère junkie et prostituée. Après avoir suscité l’enthousiasme et inspiré au cinéma Le livre de Jérémie ( Asia Argento), la vérité éclate : l’écrivain écorché vif est en fait une femme toute tranquille dans la vie de laquelle le seul événement marquant serait l’opprobre publique, conséquence de son mensonge. Récemment, un autre film, également adapté d’une fausse histoire vraie, Survivre avec les loups, a démontré que le succès du récit était proportionnel à son invraisemblance, avalisé, bien sûr, par le sceau de la réalité. Dernièrement, le site rue89 publiait une supercherie supplémentaire qui, après avoir tiré les larmes du public, déchaîne à présent une haine équivalente. Et c’est cela, finalement, qui frappe le plus, cette violence réactive, ce besoin de brûler ce qu’on a adoré. Se débarrasserait-on aussi vite de Proust si on apprenait qu’il ne s’était pas longtemps couché de bonne heure ? De Van Gogh, s’il ne s’était pas authentiquement coupé l’oreille avant de peindre son fameux auto-portrait (à l’oreille coupée) ? La question mérite d’être posée, parce qu’elle renseigne sur les motivations réelles des éditeurs / producteurs, qui publient ces récits avant tout pour flatter le voyeurisme du public.
Photo : Le faussaire : Richard Gere incarne un écrivain tenté de tordre la réalité pour vendre son livre. En exergue : Pourquoi laisser la vérité gâcher une bonne histoire ?