– je te laisse –

Un voile noir fut ma paupière  (Esther Tellermann)

Hans Bellmer - détail

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En hâte la nuit répond l’absence

À l’orée de ce monde je te laisse

Qui tant que tu existes te possède

Comme si de l’avoir nommé décrit décrété

Irrésolu de curiosité d’envie d’avidité

Il n’était plus que de mon invention

Dois-je entendre dois-je attendre

Je ne sais quoi d’inerte rien ne se crée

Le désarroi cette soustraction vive

Plaie de temps dans la mémoire

Devient de surseoir sinon de parfaire

D’une main amante l’inéluctable

Essartant ce peu de jour dont l’échancrure

Trompe l’éclat qu’elle découvre

S’entendant dire que s’entendre hélas

N’est pas au-devant dans le volubile

Ni dans l’inverse

Dès lors que ne se prendra plus

Le risque de la promesse

Plutôt attendre s’imagine l’achèvement

Est de séparer ce qui lie malgré

La clôture du présent son intensité fragile

Contradictoire trouve demeure à sa mesure

Hors d’elle la nuit répond le désespoir.

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– désordres –

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erre le monde rêve

liquide  sensation

rien ne

grève ne limite

onde l’étreinte

du naufrage sauve

libre l’ombre même lâche

altière sa déraison

main dans la

peau de peu

dans la

fièvre le feu du cercle

cèle l’unisson supposé

s’accordant à gravir

leurs propres ailes

aux désordres

des lèvres infinies

selon le dire desquelles

voir est le lacunaire

du visible dehors

au-dedans reste

à l’impossible

d’être

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– Paréidolie –

Pareidolie RS.jpg

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Languide l’effeuillage

Les peaux consumées

S’émiettent asséchées

Masque le visage

De défections offusqué

Se rapièce déjà

Déclinaison de traits incompris

Cette justesse-là

Le langage affectif la décharne

Glas les systoles

Au corps la maladie

De ce rythme se ronge

 Là-dedans chair âme au-dehors

Phosphènes le regard

Sous le bleu qui n’est pas du ciel

Luit un jeu de joie reflet de larmes

Comme la couleur du fruit

 Succulent d’un songe

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– Ma forêt –

Ma forêt

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Je marche

Bien aimée je marche

Dans l’illusion de tes chemins

Laissant à ton effet

De hauteur de surface

Le soin de me porter

Et celui de m’apprendre

Par-delà le dire des cartes

Les motifs insinuants

Les conscientes bifurcations

Ce tracé de sens

Qui secoue la canopée

Comme une grande chevelure

Dense inquiétude

Rivée à ce ciel secondaire

Foisonnant de rêves

Je marche

Dans ma propre absence

Devêtue d’un monde

Si peu nécessaire

Qu’aussitôt j’oublie

Tout ce qui me limite

Et cependant je m’élance

Foulée vive tu me ressens

Deux abîmes

Entre nous j’en vois davantage

Je ne sais te traversant

Qui est traversée

Des râles des soupirs quand

De mille lèvres contradictoires

Advient ce que tu me confies

J’écoute et soudain tu te tais

Veux-tu à ce point

Que s’invente

Le dehors de tes replis

Corps de terre

Corps d’argile je

Me conduis

Selon ton désir

C’est par la pensée que

Bien aimée je marche

En toi non en ce que tu es

Résonne

L’innombrable de l’esprit

Tu m’étreins sans

M’ouvrir aucun accès

Pourtant je te connais

Ivresse élémentaire seule démesure

À hauteur de ce qui ailleurs

Se dit excès

Titubant je marche

Entre tes dents j’ai de la fièvre

Bien aimée avale-moi

Ta chevelure fumante rousse et verte m’intoxique

De visions hors desquelles la fadeur domine

Et me désespère

Bien aimée je marche ne me laisse pas

Parenthèse te refermer

À la vérité c’est l’inverse

Captive de ce que

Tu défais

Je marche bien aimée

Je m’enfonce

Dans tes ornières dans

Tes ombrages tes terriers

À cet endroit certaine enfin

De ne pas me retrouver

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Quand le sombre se fait attendre

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Vestige du pressentiment

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déposées les hardes déchets de la vision

du vague rien du jour rien ne transparaît

nacres contrastes couleurs adverses

 tons mauves et tons rougeâtres

quand le sombre se fait attendre

 les nuances régressent

le temps de s’y laisser descendre

 ces heures promises à l’extase

 dont ne demeure que sable et cendre

 il n’y a plus à combattre

 l’irruption de la nuit

qui d’un long roulis d’images digresse

loin des anciens gestes

 ne reste du regard

qu’un peu de bruit

vestige du pressentiment

vigile ou légende

s’y prépare

sa violente épiphanie

Le poème, lieu de la rencontre

 

Le poème est le lieu de leur rencontre, à mi-chemin entre le monde matériel et la pensée, le concret et l’abstrait, le signe et le signifiant, le dedans, le dehors, le passé, le présent et l’avenir… S’ouvre un territoire d’échanges qui ne se réduit pas aux seuls mots prononcés. Les phrases dites à cet endroit désignent un lointain que les mots ne peuvent atteindre mais dont ils font entendre (par retentissement) l’existence.

 

Sayonara 8

 

>  Allez, partons ! (« Sayônara » de Koji Fukada)

 

 

Nos contiguïtés

Reprise et ressouvenir sont un même mouvement, mais en direction opposée.
Sören Kiergegaard

 

la reprise (un anniversaire)

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Rouvre sans cesse

les mêmes ouvrages

le sang obnubilé

les mêmes naufrages

s’il pouvait

désapprendre

 ce sang-là  seulement

de nos sens

nous voyant circuler

aux mêmes endroits

entre nous dresser

les mêmes barrages

le renversement

serait de prendre

 le contre-courant

 dès lors que la reprise

couve et fulmine

qu’elle s’immisce

 repue en nos cœurs

de nos dehors préservés

nos temporalités

contiguës

nous trahissent

assidues aux désirs

les pensées aux corps

récolte effective

d’une conversation qui s’ignore

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La fin de l’été (au secret)

le secret

.

Longuement s’écoule

la lie de l’été

aux pores pâlis

des errements

fussent-ils révolus

dans le temps dit-on

tout revient la traversée

continue cette trahison

on bat le rappel

des signaux contraires

déferrés au manque

l’évidence est une tanière

une solitude vorace

sous les apparences

de la dénudation

la surface

du visible confond

la peau dans la sensation

et la pensée

conduite à sa limite

aveugle de clarté

retourne au secret

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Hadriatique

.

Je rêve d’un amour pareil à la mer

Un enveloppement total

Et continu le corps rencontré

Saisi de partout porté et soutenu

Dans l’extase cependant que libre

Par la nage de se mouvoir

Loin des rivages connus

Et dans cet abîme descendre

M’enfoncer suivant le désir

D’une autre connaissance

Au frôlement d’une faune invisible

Je rêve de la mer

Étreinte absolue

Jusqu’à la dissolution

De la peau terrain originaire

Où le corps se différencie

De cela qui l’atteint

A l’acmé de la sensation

L’horizon chavire là-bas

Loin du littoral assermenté

Aux terres raisonnables

Je m’en vais jusqu’à la noyade

Voie seule

Indiscernable à l’accession

De cet au-delà qu’est l’amour

.

Uccello, uccello !

à chaque déconvenue sa prophétie

dont ayant fui

le tracé nous scrute

sans autre densité

que la vigilance

de notre œuvre contraire

 ce geste

de restitution

dans la continuité de la perte

 signe cercle des cercles

l’invétéré de toute croyance

espaces réticents

nous nous sentons

au bord du réel

à l’enfreindre

 pensivement

libres