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"...… l’Art, qui habite la même rue que la Vie, mais en un lieu différent, l’Art qui soulage de la vie sans pourtant soulager de vivre, et tout aussi monotone que la vie – simplement en un lieu différent. Oui, cette rue des Douradores contient pour moi tout le sens des choses…" Fernando Pessoa

A cela sans accès

Contact : krotchkaneznakoma [at] gmail [.] com

Instagram

Aussi sombre qu’enchanteresse, voici une relecture de Peter Pan capable d’affronter la promesse du garçon de « ne pas grandir ». En lui volant la vedette, c’est en premier lieu son autorité et celle de la croyance qu’interroge Wendy. Elle n’est d’ailleurs pas le seul élément féminin à déconstruire un mythe qui use de la figure maternelle avec une grande ambiguïté. Personnifiée par l’ile volcanique ou par un poisson luminescent, la nature entendue comme « mère » universelle joue en effet un rôle décisif dans une intrigue qui mêle métaphysique et écologie pour mettre en scène une humanité en mode de survie. Ainsi, sauvage ou domestique, il n’y a pas de monde meilleur qu’un autre. La pauvreté règne sur terre comme sur l’ile où les conflits naissent pour un rien. Et quoi que prétende Peter, l’imaginaire n’est pas un endroit où il fait bon s’éterniser. L’enfance elle-même, à cet égard, n’est hélas pas un état d’exception.

Contemporain de Desperate Housewives, ce film d’un réalisateur américain encore peu connu avant l'actuel succès de Tár témoigne d’une incontestable parenté avec la célèbre série qui marqua le début des années 2000. C’est ici comme là le tableau grinçant d’une vie en banlieue où l’on s’épie avec avidité sous les dehors d’un conformisme hargneux. Aux fantasmes romantiques, sexuels et meurtriers qu’entretiennent des esprits captifs de villas trop blanches, mères et pères inclus, Todd Field ne cherche pas à trouver d’autre échappatoire qu’une jouissance punitive. Je ne sais pas ce qu’il en est de l’antiféminisme supposé du réalisateur, je n’ai pas vu Tàr, mais je peux affirmer que ces « Petits Enfants » sont le fait d’une misanthropie un peu traitre. A défaut de la compréhension que nous sommes constamment empêchés de leur accorder, les personnages en appellent à notre pitié, miroir du mépris qu’ils nourrissent à leur propre endroit. Ce nuancier de l'abjection, on le doit aux acteurs, Kate Winslet et Patrick Wilson dans le rôle du couple adultère, mais aussi Jennifer Connelly et Noah Emmerich (figure incontournable de l’excellente série The Americans). Par leur humanité presque blasphématoire, leur grâce tout aussi scandaleuse, ils empêchent le film de sombrer dans cette noirceur qui semble pourtant être son seul horizon moral.

Sous le regard hypersensible d’une adolescente d’aujourd’hui, Rue Bennet interprétée par la charismatique Zendaya, la série prend le parti de la défonce pour mieux coller à la peau du réel. On y suit le quotidien d’une bande de jeunes Américains pour la plupart issus de la classe moyenne. Ils ont en commun de vivre leur scolarité dans une autonomie festive dont les parents n’assurent guère que le soutien financier. Avec sa panoplie de garçons colériques et de filles sexualisées, Euphoria ressemble à une version trash de la high school comedy, façon Gregg Araki et Harmony Korine. Entre récit d’apprentissage, drame sentimental, documentaire sur la jeunesse actuelle et clip vidéo haut de gamme, la série prend souvent la pose avec une ambigüité qu’on peut trouver gênante. Nimbé de nostalgie, le mal être adolescent se pare d'une sophistication érigeant au statut de fétiches tous les accessoires de ce monde-là (drogues, applis et réseaux sociaux, musique, costumes, maquillages).

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