Je est un autre…

D’une certaine façon, Cure est aussi un film-miroir – en réalité il n’est que miroirs. Les personnages échangent leur reflet, jouets d’une  sinistre réciprocité que la mort achève vainement. En tant que moteur narratif, l’hypnose est le lien, le nœud, le catalyseur ; elle expurge le mal endémique, plus encore elle le transmet,  le renforce. Vecteurs terrifiants d’innocence –  petite flamme affolée dans la pénombre, eau limpide qui s’écoule goutte à goutte – les phénomènes naturels deviennent objets de fascination qui incorporent au réel son répugnant refoulé. En une succession de tableaux sidérants et cendreux qui évident le temps et l’espace comme s’il n’existait nulle autre dimension que l’angoisse, Kiyoshi Kurosawa raconte très simplement l’histoire d’un jeune amnésique ne possédant qu’une seule qualité, celle de lire et d’activer l’inconscient d’autrui. Ceux qui, par hasard et par malheur, croisent sa route, finissent tous par commettre le crime désirable et défendu, qu’ils signent d’une croix. C’est aussi le cheminement intime du policier dédoublé, la dérive de son épouse vers l’amère folie, et la tentative légèrement ridicule d’un psychiatre pour arraisonner le surnaturel aux théories instruites. Enfin, ce très beau film se lit par transparence, permettant que la société s’y reflète autant que l’individu ; mais alors, à la place de son visage, le miroir risque de lui renvoyer celui d’un inconnu – lui-même.

Cure, de Kiyoshi Kurosawa, avec Koji Yakusho et Tsuyoshi Ujiki (1997)