Le marteau sans maître

C’est un algèbre fascinant où la maîtrise formelle s’amalgame aux contingences. Le marteau sans maître matérialise l’abstraction, lui donne du corps, du rythme. Mis en musique, les poèmes de René Char livrent immédiatement leur beauté étrange : nul besoin d’en expliciter la structure, on en perçoit d’emblée les sonorités chatoyantes, aussi dynamiques et vivaces que le texte original : J’écoute marcher dans mes jambes / La mer morte vagues par dessus tête / Homme l’illusion imitée /Des yeux purs dans les bois / Cherchent en pleurant la tête habitable. Une imagination proliférante, elle-même créatrice d’images. Boulez travaille son idée du texte, en démonte et remonte le mécanisme, sans le commenter ni le paraphraser, il transpose, métamorphose. Oubliées les alliances spontanées, les évidences ; la raison est capable de mieux. A ce jeu, les instruments renforcent l’insolite: le xylophone interprète le balafon africain, le vibraphone se déguise en gamelan balinais et la guitare fait écho au koto japonais : extensions spatiales sans références culturelles.

Avec son Marteau sans maître (1934), René Char s’éloigne du surréalisme et, vingt ans plus tard, Pierre Boulez assouplit le sérialisme. Peut-être ne s’agit-il que d’un hasard, mais ce titre, à moitié communiste (rappelant Maïakovski), complètement concret, et surtout ouvert à toutes les interprétations – est une porte grand ouverte qui appelle l’air en rafales.

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