En moi c’est l’oreille qui parle (le retentissement)

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« Je m’installe douloureusement dans la substance même du message, cependant que je détaille avec méfiance et amertume la force qui le fonde : je perds sur les deux tableaux, me blesse de toutes parts. Tel est le retentissement : la pratique zélée d’une écoute parfaite : au contraire de l’analyste (et pour cause), loin de « flotter » pendant que l’autre parle, j’écoute complètement, en état de conscience totale : je ne peux m’empêcher de tout entendre, et c’est la pureté de cette écoute qui m’est douloureuse : qui pourrait supporter sans souffrir un sens multiple et cependant purifié de tout « bruit » ? Le retentissement fait de l’écoute un vacarme intelligible, et de l’amoureux un écouteur monstrueux, réduit à un immense organe auditif – comme si l’écoute elle-même entrait en état d’énonciation : en moi c’est l’oreille qui parle. »

Roland Barthes, [Le retentissement], extrait des Fragments d’un discours amoureux

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Image : John Cage, Eninka 28 – gravure et fumée sur papier de Chine –  (1986, détail)

3 réflexions sur “En moi c’est l’oreille qui parle (le retentissement)

  1. Il est possible que cette feuille brûle complètement…

    « Comment finit un amour ?- Quoi, il finit donc ? En somme, nul -sauf les autres – n’en sait jamais rien ; une sorte d’innocence masque la fin de cette chose conçue, affirmée, vécue selon l’éternité. Quoi que devienne l’objet aimé, qu’il disparaisse ou passe à la région Amitié, de toute manière, je ne le vois même pas s’évanouir : l’amour qui est fini s’éloigne dans un autre monde à la façon d’un vaisseau spatial qui cesse de clignoter : l’être aimé résonnait comme un VACARME, le voici tout à coup mat (l’autre ne disparaît jamais quand et comme on s’y attend). (…) je ne puis moi-même construire jusqu’au bout mon histoire d’amour : je n’en suis le poète que pour le commencement ; la fin de cette histoire, tout comme ma propre mort, appartient aux autres ; à eux d’en écrire le roman, récit extérieur, mythique. »
    (c’est moi qui ai mis vacarme en majuscules pour que ce mot résonne avec le vôtre)

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