(Le poète) à l’ombre de la jeune fille en fleur

Un trouble sans lendemain, une émotion réfléchie, dont nulle promesse ne découle,  nulle attente, un désir à saisir – dans l’instant.  Ensemble, ils ont la sagesse vive des jeunes gens, l’intuition triomphale, la capacité de sentir sans savoir, de comprendre sans connaître. Contre le temps ils ont l’intensité, contre la finitude ils n’ont rien. Dans leur jardin les saisons se surpassent, énoncent des symboles ; pour eux seuls la nature se raconte, s’émerveille de fleurs et d’herbes douces, de neige laineuse, de pluie soyeuse ; dans leur forêt les arbres ombrent le silence qui dérive des lèvres éprises. Entre la rencontre idéalement banale et la séparation des corps non des âmes, ils auront échangé, mieux que vains vœux sacrés, savoirs et langages. Et désormais  lui, concret de fièvre,  froisse l’étoffe la laissant respirer, entre ses doigts crisser ; désormais  elle, dans sa solitude encore habitée, prononce ses mots à lui. Ensemble ils forment et figurent la poésie, et celle qui se traîne auprès d’eux n’est que trace appauvrie de  ce qu’elle doit être, de ce qu’elle est quand elle se met à exister –  l’infini à la place du vide,  l’image à la place de la pensée, le cri à la place du verbe, l’extase à la place de la chair.

Pour les amoureux de la poésie :  Bright star de Jane Campion,  avec Abbie Cornish et Ben Whishaw (USA, Angleterre, Australie, 2006 – durée : 1h59)

Filmographie de Jane Campion à la médiathèque

6 réflexions sur “(Le poète) à l’ombre de la jeune fille en fleur

  1. « Contre le temps ils ont l’intensité, contre la finitude ils n’ont rien ». Mais ce rien est un tout, s’il est tout ce que l’on a . D’où un rebond, toujours possible: notre existence

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  3. J’ai acheté ce dvd avant hier. Parce qu’il est l’un de vos films préférés. Seulement voilà, puisque je l’ai bu – bu, oui, dans la mesure où je n’ai pas fait simplement que le voir, samedi soir, je ne sais pas si je dois vous remercier. La raison ? elle est fort simple, car ce film,qui est fort délicieux et qui s’enroule autour d’un axe qui m’est particulièrement cher, m’incite à faire recourir ma plume. Remarquez, comme l’imbécile qui ne change pas d’avis, je n’en ferais rien. Cela dit, je vous promets que bientôt vous saurez tout ce que je pense de ce chef-d’oeuvre. Je le ferais ici-même. Un de ces quatre matins…

  4. (vous me mettez les larmes aux yeux, ici précisément, sur ce film, l’émotion m’empêche d’écrire, sinon sous forme d’un poème. je suis touchée que vous l’ayez vu à cause de moi)

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